En instaurant l’objectif du Facteur 4, la France s’est engagée à diviser par 4 ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à celles de 1990, d’ici 2050.
L’amélioration énergétique des logements constitue donc une priorité : le secteur du bâtiment contribue en effet pour près de 25% aux émissions nationales de gaz à effets de serre, et la plupart des observateurs s’accordent à considérer que l’habitat sera l’un des principaux contributeurs aux réductions qui permettront d’atteindre le facteur 4. La Stratégie Nationale Bas Carbone retient par exemple dans ses objectifs énergétiques au niveau du secteur résidentiel une diminution des émissions de 87 % d’ici 2050 par rapport à 2013 [1].
Mais par ailleurs, la France est aujourd’hui touchée par la crise du logement : manque de logements, loyers trop élevés, insuffisance de places en foyers, précarité énergétique… La solution engagée ? Construire ! Construire toujours plus de logements, car pas de doute, nous manquons de logements !
Mais comment atteindre le facteur 4 en augmentant chaque année les surfaces construites ?
Comment concilier réduction des émissions de CO2 et augmentation du nombre de logements sociaux ?
La RT2020 devrait être applicable aux permis de construire des logements déposés à partir du 1er janvier 2021. Cette nouvelle règlementation introduit une exigence de performance énergétique beaucoup plus élevée que la RT 2012 :
– les bâtiments résidentiels ne devront pas consommer plus de 12 kWhep/m²/an [2] pour le chauffage, ni plus de 100 kWhep/m²/an pour l’ensemble des usages,
– les bâtiments devront être à énergie passive (BEPas), c’est-à-dire que la production d’ENR devra couvrir la totalité des consommations.
Malgré cela, il semble difficile de diminuer de manière significative les émissions de gaz à effet de serre tout en continuant à construire des dizaines de milliers de logements sociaux chaque année : il y a donc une contradiction entre les objectifs de réduction des émissions de CO2 et les objectifs de production de logements sociaux.
Prenons l’exemple d’un bailleur social gérant 20 000 logements : s’il augmente son parc de 2 % par an (soit +400 logements par an : 500 logements construits, 100 logements détruits), même en améliorant fortement la performance énergétique du parc existant en réhabilitant 400 logements par an, il n’améliorera son Bilan Carbone que de l’ordre de 40% [3] d’ici à 2050[4]. Cette estimation prend en compte les émissions liées au fonctionnement (principalement chauffage) mais aussi aux travaux de construction (structure à voile porteur en béton), réhabilitation, démolition.
Si ce même bailleur améliore la performance énergétique de son parc en conservant un patrimoine constant (300 logements construits, mais 300 logements détruits par an et toujours 400 logements réhabilités jusqu’en 2040, date à laquelle la réhabilitation n’a plus lieu d’être puisque le parc le plus énergivore aura été réhabilité ou détruit), il atteindra de l’ordre de 70% de gains d’émission de GES à l’horizon 2050 : on s’approche un peu plus de l’objectif du facteur 4.
Ce constat pourrait amener à revoir les objectifs de production de logements sociaux, en intégrant d’autres politiques, orientées sur la diminution des vacances et des sous-occupations, qui permettraient de disposer des mêmes surfaces mais avec des programmes de construction réduits.
Quelles politiques alternatives ?
L’objectif d’une politique de logement, c’est d’assurer à chacun un logement qui corresponde à ses besoins et à ses capacités financières. Mais la construction neuve est-elle l’unique solution pour atteindre cet objectif ?
Il y a d’abord la réhabilitation des logements anciens : si des travaux d’isolation et l’amélioration des systèmes de chauffage permettent d’obtenir une performance énergétique proche de celle du neuf, avec un coût Carbone (et économique) des travaux moindres, on diminue de beaucoup le Bilan Carbone d’un parc de logements. Dans cette hypothèse, la construction de logements neufs peut être envisagée, mais comme un complément à une politique principale de rénovation.
Mais il y a aussi d’autres solutions, plus originales, qui obligeront collectivités et/ou bailleurs sociaux à sortir des sentiers battus et à faire preuve d’imagination :
- diminuer la sous-occupation, spécialement pour les logements occupés par des personnes âgées (prise en charge de la recherche d’un nouvel appartement et du déménagement),
- densifier en reconstruisant sur les parcelles déjà construites, par exemple en rétablissant une continuité du bâti dans des zones pavillonnaires,
- diminuer les vacances en sécurisant la location (mutualisation et garantie des risques),
- encourager l’utilisation de bois dans la construction, ce qui est un moyen de faire baisser le coût carbone des travaux,
- encourager l’habitat multi-générationnel…
Le rôle des collectivités
Actuellement, la plupart des Communautés d’agglomérations consacrent 2 à 3 % de leur budget à la politique de logement, soit sous forme d’incitation à la rénovation des logements anciens (sous conditions de ressources), soit sous forme de participation aux programmes de construction des bailleurs sociaux.
On peut imaginer un dispositif différent, comportant par exemple un service à la population, notamment en direction des personnes âgées, pour les aider à libérer des logements devenus trop grands pour elles.
Si le chantier du logement apparaît comme prioritaire, peut-être faudra-t-il aussi avoir l’audace d’arbitrer avec les budgets consacrés à d’autres secteurs, comme par exemple la construction de nouveaux équipements (stades, salles de sports…), qui par ailleurs contribuent à alourdir le Bilan Carbone des collectivités !
[1] En 2013, les émissions de GES relatives à l’habitat en France ont été estimées à 99 MT eq. CO2. Dans ses objectifs, la Stratégie Nationale Bas Carbone prévoit une valeur de 13 MT eq. CO2 pour ce secteur, soit une diminution de 87%.
[2] Unité de mesure de la consommation d’énergie primaire par unité de surface et par an. Elle sert notamment à mesurer la performance énergétique d’un bâtiment.
[3] En prenant les hypothèses suivantes (valeurs moyennes) : les logements réhabilités passent de 250 kWh/m².an à 110 kWh/m².an ; les logements neufs construits jusqu’en 2020 sont à 80 kWh/m².an ; les logements neufs construits après 2020 sont à 30 kWh/m².an ; les logements détruits sont à 250 kWh/m².an.
[4] Par rapport à l’année de référence fixée à 2011.
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